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Rhétorique populiste et libéralisme au secours : il était une fois le PJD


La trappe de la classe moyenne, les pensions des seniors, l’énergie couteuse et peu fructueuse, le budget de l’état outrancièrement déficitaire, les inégalités sociales et une jeunesse à court de repères.



Par Hachimi Alaoui

Par Hicham Alaoui | Enseignant-chercheur
Par Hicham Alaoui | Enseignant-chercheur
La trappe de la classe moyenne, les pensions des seniors, l’énergie couteuse et peu fructueuse, le budget de l’état outrancièrement déficitaire, les inégalités sociales et une jeunesse à court de repères. Tels sont les fléaux auxquels devait faire face, dès son investiture en 2011, le gouvernement marocain, constitué majoritairement d’un parti politique au discours, rien que cela, populiste. De toute évidence, il ne peut s’agir que du parti aux deux idéaux, justice et développement, et qui lui ont valu deux mandats, dix années de mollesse et cent maladresses. 

Dès ses premiers pas, le choix du PJD consistait à forger son discours autour du gap entre la classe dirigeante et le peuple, entre le « eux » et le « nous », pour faire valoir un soupçon d’élitisme dans la gestion de la place publique. Ce faisant, il a su capitaliser sur le complexe d’infériorité et le sentiment d’oppression que nourrit la détestation de l’autre, cet autre qui se croit supérieur et indispensable. Le populisme, le PJD a su en faire une image de marque et, selon ses dires, la scène politique était prise en otage par une élite corrompue et malhonnête
Il n’en demeure pas moins que le succès d’un tel discours s’explique essentiellement par la conjugaison d’éléments aussi bien factuels que symboliques d’une société en transition.
En effet, tout semblait conforter la rhétorique populiste. La crise financière internationale et la grande récession qui s’en est ensuivie étaient la trame de fond d’un discours de diabolisation des technocrates, jugés sans idées et en manque d’idéaux. Ce discours s’est doublé d’un appel, certes légitime, à l’éthique en tant que seul et unique mode d’autorégulation de la sphère financière. Toutefois, et à défaut d’une déontologie concrète, cet appel a viré vers une simple dénonciation des modes de gouvernance capitalistes, taxés d’élitistes et accusés d’être déconnectés de leur époque. 

Du reste, la turquisation du quotidien et la mexicanisation des mœurs, tant reprochées aux chaines du service public, bien que l’audimat indiquait une adhésion quasi-totale, vinrent secouer une société qui hésite entre l’ouverture et le repli sur soi. Une société qui ne disait point ses maux multiples et qui en souffrait silencieusement. D’abord, ce lien devenu paradoxal à l’Islam, une religion de plus en plus contraignante à observer et une histoire tellement plaisante à conter. Ensuite, la confusion entre le cultuel et culturel et l’amalgame entre le collectif et l’individuel, avec un brin d’opportunisme sur les deux registres. Et puis, l’appel de la méditerranée, la reconfiguration du Maghreb et la profondeur arabe de moins en moins évoquée pour dire l’identité marocaine. Bref, les maux d’une société qui avait tout à faire et tout à défaire. Les maux d’une société qui aspirait à s’affranchir de la peur de son lendemain et de la pesanteur de son passé.

Au demeurant, l’élection du PJD en 2011 reflétait l’état d’âme d’une société bourrée de questionnements et qui s’est contentée d’une illusoire vérité unique. Mettre ce parti aux commandes était une zone de confort, un temps d’ajournement, et on ne le comprendra que dix ans plus tard. On comprendra surtout que pour switcher d’un discours électoral populiste vers une action politique fondée sur le libéralisme économique, seul le PJD en est capable. Il a pu le faire et, du moins, il a fallu le faire. Multiplier les dires populistes et antiélitistes semblait ne pas suffire pour endiguer les fléaux sociaux et rétablir les équilibres macroéconomiques. Il fallait donc agir, en néolibéral pur et dur, circulez il n’y a rien à voir. 

Avait-il le choix ? Pouvait-il agir autrement ? peu probable. Ce qui est certain, néanmoins, c’est que le PJD n’a fait que s’inscrire dans un processus de réformes dont il ignorait les séquences et les conséquences. Il faut reformer, dira-t-on. Il faut libéraliser, on le sait. Seulement, qu’on ne s’en vante pas. À vouloir se profiler comme instigateur de ces réformes et à trop vouloir en tirer un narratif, souvent réducteur et simpliste, cela finit par exhiber la fausseté du spectacle. Du populiste de tout bord au mauvais défenseur du néolibéralisme à tout va, il était une fois le PJD

Aujourd’hui, les élections législatives de 2021 sont unanimement perçus comme un point de rupture dans la vie politique au Maroc. Un point de rupture avec cette mauvaise habitude de choyer la simplicité et de vanter les mérites des gens effacés et gauchement spontanés. Le mesquinement célèbre « oueld chaab » a cédé la place à l’ingénieux et il est temps de normaliser avec l’arrogance de la compétence. À bonne école, il ne suffit pas de se montrer honnête pour mener le peuple, même en l’étant réellement, et il ne suffit pas d’être « gentil » pour gérer ses affaires. Le méritocratie et la probité devraient se substituer aux débats passionnés et à la candeur. La crise sanitaire nous l’a fait savoir, brutalement certes, il faut beaucoup de compétence et pas moins d’audace pour nourrir les ventres et négocier avec les géants de ce monde demande un peu plus que la bonté.

Cela dit, le fraichement (ré)élu secrétaire général du PJD, dans ses dernières sorties médiatiques, opère en mode « clean hands » et n’hésite pas de faire dans l’excès de zèle. Fidèle à lui, il continue d’articler ses discours autour de la ligne de séparation entre les bons et les truands. Loin s’en faut. Faut-il (lui) rappeler que cette dichotomie manichéenne a été ringardisée par les électeurs et que l’ère du populisme et du jargon démonologique est révolue. Et si c’est question de remplir les gradins, de s’en émouvoir et d’émouvoir son public, El Grande Toto, entre bien d’autres, y excelle et son œuvre, dans tout le moins, paie et trouve écho au-delà des frontières. Le fait est qu’il ne faut pas être simple et empathique pour être aimé. D’ailleurs, on ne cherche pas à vous aimer. Actionnez vos dires et au plaisir de vous réélire.


Hachimi Alaoui 



Lundi 10 Janvier 2022

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